bon, ma librairie me laisse des vacances, j'en profite pour créer un topic tout beau tout neuf
j'avais envie de partager une itw de Rudy Van Gelder sur la prise de son, où il dit quelque chose de passionnant je trouve
so let's go
extrait :
Rudy Van Gelder :
Les enregistrements multipistes ne sont pas arrivés comme ça au début. Ca a évolué piste par piste, d'abord une piste, puis 2, ensuite 3. Et puis 8, ensuite 16 pistes, et avec peut-être 12 pistes entre les 2. Et toutes les variations possibles. C'est ça. Ce n'était donc pas une découverte mais une évolution. (...) Piste par piste. Et plus on avait de pistes, plus on les utilisait, et plus on en utilisait, moins on se sentait obligé de "faire les choses bien" dès le début. Et c'est la façon dont l'industrie du disque s'est construite.
Ben Sidran :
Est-ce qie c'était excitant pour vous lorsque le multipiste est arrivé ?
Rudy Van Gelder :
Et bien, je voyais ça différemment . Ma philosophie à l'époque était : "Bon ce truc est vraiment formidable". Je veux dire, plus on utilise de micros, plus notre technique d'enregistrement est flexible, et alors il n'y a rien de mieux que 24 pistes.
Partons de ce principe. J'ai pensé : "c'est formidable . Je vais maintenant avoir une seconde chance. Je n'aurai plus besoin d'être au top à chaque session. Je peux me relaxer, je peux juste faire en sorte que tout aille bien. Et après on va tout mixer et j'aurai ma seconde chance pour tout."
Si je rate le début d'un solo ou quelque chose comme ça, je peux l'arranger plus tard. Mais ça n'a pas marché comme ça. Parce que les musiciens étaient autant au courant de ces possibilités que moi et, en fait, ils les ont utilisées pour différentes raisons. Ils voulaient refaire des prises et donc, dans cette situation, ils ont eu besoin d'écouteurs, et tout le monde devait entendre ce qu'il y'avait sur la bande. Et une génération de musiciens s'est habituée à travailler comme ça, qui avait besoin de cette méthode pour faire des disques.
Ben Sidran :
Des écouteurs. Vous n'utilisiez pas d'écouteurs à Hackensack ?
Rudy Van Gelder :
Non.
Ben Sidran :
Les gens se disposaient dans la pièce et jouaient ?
Rudy Van Gelder :
Oui, ils jouaient, et ils se plaçaient de façon à pouvoir s'entendre les uns et les autres le mieux possible. Si un batteur jouait très fort, tout le monde le savait. Ils s'arrangeaient donc.
Ben Sidran :
C'est un point intéressant : l'utilisation des casques fut un changement radical.
Rudy Van Gelder :
Absolument. Savez-vous qu'aujourd'hui, quand ils viennent faire une séance, ça prend pratiquement pas de temps pour se mettre en place et obtenir un bon son, mais ça prend 2 fois plus longtemps pour ajuster les écouteurs ?
Ben Sidran :
Chacun veut un mix différent. Plus de basse, moins de basse, plus de batterie.
Rudy Van Gelder :
C'est ça, chaque musicien a sa propre idée sur ce qu'il veut entendre. Ca n'existait pas à l'époque dont nous parlions.
Ben Sidran :
Donc, le caractère vivant de ce que vous faisiez à cette période tient au fait que les musiciens devaient faire les ajustements en direct pour enregistrer la musique.
Rudy Van Gelder :
Absolument.
Ben Sidran :
Et maintenant on essaye d'isoler chaque personne de l'évènement direct.
Rudy Van Gelder :
C'est exactement ça. C'est presque comme si l'on cherchait volontairement à inhiber la créativité dans la musique jazz. Si je voulais absolument trouver une façon d'inhiber la créativité, j'inventerais une machine multipiste. Un magnétophone 24 pistes avec possibilité d'overdub.
Ben Sidran :
Une fois que vous avez commencé avec ça, vous êtes alors dans le concept de l'enregistrement avec casque, et dans l'idée que l'on pourra refaire les choses plus tard : "On arrangera ça au mixage".
Rudy Van Gelder :
C'est inséparable. C'est une machine de destruction massive ! Artistiquement parlant."
Je sais c'est long...
Perso, je n'avais pas du tout conscience de l'impact qu'avait pu avoir l'enregistrement multipiste dans le jazz.
Je trouve ça très intéressant de voir justement comment la technologie a modifié radicalement l'approche studio et son processus.
Après ça pose beaucoup de questions, est-ce que ça a mis fin à une certain jazz studio ? est-ce que c'est allé jusqu'à modifier la manière de jouer live ?